Mariesu au pays de l'or noir

Après mes tribulations au pays du Soleil Levant, découvrez mes aventures de stagiaire en expatriation à Port-Gentil et Pointe-Noire (coming soon^^)

Monday, December 12, 2005

Un esclave consentant (et consenti)

Bonsoir à vous, lecteurs et lectrices du monde entier!
Aujourd'hui, un peu de culture, mais pas dans le genre temples, samouraïs et sashimis. Aujourd'hui, je vais vous parler d'une réalité plutôt surprenante dont j'ai eu le bonheur de rencontrer l'incarnation il y a quelques semaines.

Ce jeune homme, citoyen Brésilien, s'appelle Idevaldo, et il est résident de longue durée au Japon. Rien d'exceptionnel jusque là, je vous l'accorde. Il faut savoir que ce garçon participe à un phénomène assez peu connu dans nos contrées occidentales: le phénomène Dekasegi, littéralement "travaillant loin de la maison" (enfin quelquechose comme ça). Vous n'êtes certainement pas sans ignorer que travailler au Japon n'est pas chose aisée quand on est un gaijin (n'est-ce pas, l'homme de l'autre coté de la montagne?). C'est d'ailleurs pourquoi ici 'immigration' ne veut rien dire, et que tout le monde se ressemble. Mais, là, exception! Valdo est moitié brésilien, moitié japonais! "Oui, me direz-vous, il reste quand même gaijin, puisqu'il a la nationalité brésilienne". Oui, mais non. Parce qu'en fait, vu qu'il a du sang japonais, il ne peut pas être que mauvais, et donc, le gouvernement nippon a bien voulu de lui sur son territoire et dans ses usines, surtout.



Voici mon esclave

Parce que oui, les modalités de séjour au Japon pour un mi-gaijin sont évidemment soumises à de nombreuses conditions. 1. avoir des aïeux nippons (qui ont généralement émigré au début du siècle pour l'Amérique du Sud, et particulièrement le Brésil, et un peu au Pérou, comme les parents de Fujimori, par exemple), 2. ne pas avoir trop de diplômes, 3. accepter d'être parqué dans 8 mètres carrés, et enfin 4. prendre le statut d'esclave des temps modernes dans un pays-démocratique-et-super-riche. Ca a l'air l'horreur comme ça, mais ca doit toujours être mieux que dealer de la coke et squatter dans une favela*. Pour preuve, aujourd'hui, le Japon accueille plus de 274 700 specimens du genre (constituant ainsi la première communauté de langue portugaise en Asie et la troisième communauté de gaijins après les Coréens et les Chinois), venus faire fortune au Pays du Soleil Levant, échappant ainsi à la précarité économique de leur pays.

Donc, voilà, l'Eldorado nippon est une manne pour beaucoup de descendants d'émigrés japonais. Mais je peux vous dire que l'Eldorado a un prix. Tout d'abord, les conditions de travail sont très légèrement reglementées; enfin, elles le sont, mais quand je parle d'esclavage, je pèse mes mots. Tout d'abord, seuls les emplois sans qualifications sont accessibles aux Dekasegi, c'est à dire travail à la chaîne, à la chaîne dans des fonderies, à la chaîne avec une cadence à respecter sinon t'es viré (c'est comme ça chez Suzuki, il paraît) et à la chaîne avec le kachô qui te crie dessus. Ensuite, il faut accepter de bosser de 7h du mat à 10h du soir, avec une seule pause d'une heure le midi, et de ne pas avoir de repos payé (je n'ai pas dit 'vacances', j'ai bien dit REPOS). C'est à dire que ton contrat (que tu n'as pas directement signé avec la boîte qui t'emploie, mais avec une boîte spécialisée dans la traite des Brésiliens) ne prévoit pas de repos hebdomadaire!!! Alors, ils sont sympas quand même, tu peux le prendre ton repos dominical, mais que si le kachô juge que tu as assez bossé et que les commandes seront bouclées à temps. Enfin, dernière condition, tu dois accepter de ne pas avoir de sécurité sociale régulière pour les employés. Ici, au pays du paternalisme industriel, l'employeur doit prendre en charge 50% de ta pension, mais pour les Dekasegi, c'est mort. Ils doivent côtiser à la National Health Insurance (comme moi) qui te rembourse pas grand chose, ou alors, si tu veux vraiment être assuré, tu peux souscrire chez toi une assurance de touriste (!!!).

Au début, ca m'a quand même laissée perplexe cette histoire...Tu trimes toute la journée pour recommencer le lendemain, dans des conditions toutes pourries, à 10 000km de chez toi. En discutant, j'ai bien vite compris les avantages d'une telle entreprise. Mon specimen travaillait à Sao Paulo comme programmateur informatique pour un salaire vraiment inférieur à celui qu'il touche ici où il manufacture des clous et des bouches d'égoûts...Le voilà le pourquoi du comment! Et puis, le truc qu'ils font tous les cariocas, c'est qu'ils viennent ici 3 ou 4 ans, vivent comme des ascètes, envoyent un peu de sous à la famille au pays, et reviennent avec un bon capital, c'est à dire de quoi monter une petite entreprise et tenter sa chance dans un pays en pleine expansion économique. Le bon plan en fait! Même si je persiste dans ma dénomination d'esclavage, parce que je suis habituée aux 35heures, aux grêves tous les mois "parce-qu'on veut plus de moyens, et moins travailler!!!", et à la primauté de l'individu sur le bonheur et la prospérité de la nation.

Voilà pour aujourd'hui, les amis! Si le Ministère du Travail ne me tombe pas dessus d'ici là, demain, je vous parlerai des jobs qui ne servent à rien.
Boa noite!


*ce qui n'est pas le cas de mon exemple

Saturday, December 03, 2005

Suzuki vs. Mariesu

Boa tarde!*
Certains d'entre vous n'ignorent sûrement pas que les transports japonais sont assez hors de prix, et qu'à l'instar du rival chinois, ici, c'est la petite reine qui règne pour les déplacements. Surtout quand on est une petite étudiante sans le sou, attendant vainement la tant attendue bourse Rhône-Alpes. Donc, voilà, 99% de mes déplacements sont assurés par mes petites jambes (dont les cuisses ont bien évidemment triplé de volume depuis 2 mois) et mon beau destrier bleu à 9.000 Yen.


Mon compagnon d'infortune, a.k.a. BBB, a.k.a. BabyBlueBike

Or, qui dit nombreux déplacements en vélo, dit prise d'assurance de ma part, plutôt habituée aux tortueux, boueux et déserts chemins de forêt de ma Sologne natale, dit je me la pète à griller les feux piétons, à écouter mon pod à fond, et à utiliser force sonnette pour écarter les piétons de mon passage, dit, euh, fatalement prise de risque...Et évidemment, ce qui devait arriver un jour à l'un d'entre nous, pauvres gaijins souvent inexpérimentés dans la difficile pratique du spad en ville, m'est arrivé à moi, pauvre petite chose fragile (hum hum).


Tomare!

Pour que vous compreniez bien les choses, il faut savoir qu'ici, la ville est un peu faite sur le modèle américain, c'est à dire de grandes artères à 6 voies, et des micro-routes où une voiture cublique a juste ce qu'il faut pour passer. Donc, cela donne des multitudes de petits carrefours où tu es censé t'arrêter quand tu roules en vélo sur le trottoir. Les 5 premiers jours, en conductrice consciencieuse, tu t'arrêtes, et, comme je le disais plus haut, au bout d'un moment, tu freines vaguement (voire pas du tout), parce que tu es à la bourre pour aller en cours, ou parce que tes potes t'attendent. Bref. Alors que je ridais fièrement ma bicyclette sur ce que j'appelle la 'NeverEnding Road', histoire d'aller payer mon loyer et autres frais relou de ma vie quotidienne à la Kyoto Machintruc Bank, je vois soudainement surgir une voiture carrée (cf. photo, mais sans les mioches) à un croisement où y'a jamais rien. "le mec a un 'Tomare!', il va s'arrêter" me suis-je bêtement dit. Pensez-vous! Que nenni! Et, alors, qu'ayant un peu ralenti, je m'engage sur la voie à traverser, passant ainsi à ras du pare-chocs, j'ai vu le S de Suzuki s'approcher dangeureusement de ma cuisse...J'ai à peine eu le temps de penser "c'est mort, il va me toucher", que je basculais déjà sur le goudron nippon.



Eh bien les amis, je peux vous dire qu'en fait une voiture, bah c'est vachement dur. Et ca fait mal aussi. Bon, je me suis ainsi retrouvée le cul par terre, le destrier bleu en vrac sur moi, le panier tordu, la lumière mal en point, et moi un peu dans le gaz. Mais je suis pas une tapette, je me relève toute seule. De toutes façons, le b*** n'a meme pas pris la peine de sortir de sa caisse carrée. J'ai beau avoir les jambes en coton, encore toute tremblante, le pare-chocs fautif a, je vous l'assure, gouté à plusieurs reprises à mes semelles françaises...Comme vous me connaissez, j'étais en furie, et j'ai mis 3 4 bons coups de latte sur la plaque du mec qui bougeait toujours pas de son siège, attendant béatement que je me pousse de devant son véhicule. Me voyant énervée et m'entendant probablement jurer dans ma langue natale, il est finalement sorti, histoire de se donner bonne conscience, pour timidement me demander "OK? OK?", mais même pas sur un ton désolé. "Ouais, OK, espèce de c***!". Meme pas un bon vieux "Sumimasen"... Alors, je ne les comprends pas des fois les Japonais, moi. Les mecs, quand ils s'asseoient à côté de toi dans le métro, ils s'excusent 10 000 fois de t'avoir fait pousser de quelques centimètres sur la banquette, mais alors quand ils te renversent avec leurs bagnoles carrées, non. On dit rien. Après coup, je me suis dit qu'il était peu être raciste le malautru qui m'a méchamment poussé avec son bout d'acier...Y'a des c*** partout, après tout!


L'arme du crime

Enfin bon, ne vous en faites pas pour moi, plus de peur que de mal. Les cuisses un peu bleues et la main un peu éraflée pour toute séquelle de ma cascade. Mais bon, ca m'apprendra à rouler comme une tarée. Déjà que j'ai failli shooter une petite mamie avec son chariot l'autre jour, et que je me suis déjà pris quelques sacoches dans les côtes, aux abords d'arrêts de bus bondés (tiens, une autre contradiction nippone: coller des arrêts de lignes ultra-fréquentées, sur des micro-trottoirs). Bref, depuis, je tâche de respecter les 'Tomare!', tous les 20 mètres, et puis, faut aussi que je passe au bike shop, voire s'ils peuvent pas faire quelquechose pour ma dynamo, parce que c'est dangeureux de rider à 5h du soir, dans la nuit noire, sans lumière. Bon, maintenant, il est temps pour moi d'aller prendre le TRAIN, ce moyen de transport, onéreux, mais au combien confortable et sans risques, histoire d'aller faire un peu la chouille!

Adeus, amigos!*

*Oui, je me mets au Portugais...allez savoir pourquoi! ;-)